La Dérivation de la Préciosité à travers la satire de Molière

Eunice Umubyeyi

Le terme de préciosité est arrivé à Paris au XVIIème siècle quand les précieux se sont mis ensemble pour réagir contre la grossièreté du roi Henri IV. Les précieux se réunissaient dans les salons tels que la chambre de Mme de Rambouillet et le salon de Mlle de Scudéry.  Les précieux parlaient de l’art de la conversation, le raffinement de la langue

française, l’amour, la mode, la poésie, la littérature, les sentiments et surtout la manière de les exprimer. Les précieux était des personnes de beaux esprits, des auteurs, où des intellectuels. La préciosité est souvent vue comme un mouvement qui a donné la voix aux femmes, a développé la littérature française, et a changé les mœurs d’une manière délicate. Malgré les valeurs et réussites indéniables de la préciosité, son excès lui a donné une autre image. Sera-t-il la raison pour laquelle Molière s’en empara pour faire les satires dans Les précieuses ridicules (1659) ?

Premièrement, la préciosité tenait aux conditions de la création de la littérature qui se trouvait dans les salons. Comme décrit Paul Courteault, Henri IV « Mari pitoyable, frère

proprement odieux, sa dominante fut un égoïsme foncier, qui explique son ingratitude à l’égard de ses compagnons d’armes, son amoralité pousses jusqu’à l’inconscience, sa vulgarité et sa grossièreté si choquantes… » était le roi de France depuis 1589 jusqu’à 1610 (Wikipédia). Les précieux voulaient bannir au maximum la vulgarité qui se voit à cette cour. Alors ils ont inventé les nouveaux mots en pleine élégance, ils ont changé certains mots qui existaient d’une manière qui rend la joie à l’âme et l’esprit et ils ont publié leur dictionnaire.

Pour les précieux l’esprit était un aspect très important comme dit Madame Lafayette dans le texte La Princesse de Clèves (1820) « L’esprit de Cleomire n’est pas l’esprit qui n’a pas de lumière …Elle sait diverses langues et n’ignore rien de ce qui mérite d’être su. » (32).  Comme Cleomire, un des caractères d’un précieux était l’intelligence ou la connaissance. Elles apprenaient tout ce qui les entouraient, les analysaient et inventait les mots précieux. La langue dans les salons différait de l’éloquence publique, parce que la préciosité voulait se distinguer de ce qui était « commun ».

De plus, le mouvement voulait enlever l’inconfort de la posture féminine dans les espaces sociales et littéraires. Pendant longtemps, les femmes n’avaient pas beaucoup de liberté pour faire ce qu’elles voulaient.  Au 17e siècle en France, les femmes étaient toujours surveillées par les hommes. Considérons l’exemple de Magdelon et Cathos dans la pièce Les Précieuses ridicules par Molière où Gorgibus, le père de Magdelon, a obligé sa fille et sa nièce à épouser des nobles le plus vite possible.

Gorgibus : Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces messieurs, que je le vois sortir avec tant de froideur ? vous avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais vous donner pour maris ?(Scène 4)

Gorgibus exigeait de recevoir ces messieurs, qui veut dire que c’est comme s’il le veut et ça doit arriver malgré ce que veulent les filles. Mais la préciosité était créée comme un moyen de s’émanciper où les femmes rejettent la supériorité masculine. Les rencontres de ses salonnières ont contribué à redésigner la place d’une femme dans la société française, la société où la domination masculine était inscrite dans tous les aspects de la vie, et cet encadrement leur a donné le courage de prendre les rôles autoritaires en dehors de ces salons.

Un exemple qui a été un succès à encourager les femmes de rompre avec les normes est La carte de Tendre. Cette carte, dessinée par Mlle de Scudéry dans son roman Clélie (1654-1660), 

est « Une représentation topographique de la conduite et de la pratique amoureuses… [et elle] cherche à faire sortir les hommes de l’égoïsme et de la brutalité, leur apprendre 
l’estime, le respect, le raffinement… » (Larousse). Alors Cathos et Magdelon qui aspiraient d’être les précieuses et espéraient avoir un amour comme elles ont lu dans les textes précieux ont refusé de les prendre comme mari car elles savaient que c’était possible d’en avoir dans leur propre mariage.

A partir de ces salons, l’esprit précieux se développe. Comme dit Hélène Poncet dans sa section dans De lettres et Arts (2007) « Je suis certain que la première partie d’une précieuse est l’esprit, et que pour porter ce nom, il est absolument nécessaire qu’une personne en ait, ou affecte de paraître en avoir, ou du moins qu’elle soit persuadée qu’elle en a ». L’esprit précieux se montre alors dans les manières et les comportements des précieux. Dans ces salons, les précieux s’entrainaient de jolie apparence, la langue amoureuse et cela les distinguait des autres classes sociales. Les précieux aspiraient des « bels esprit » dans tout ce qu’ils faisaient et voulaient se distinguer de ce qui est « commun ».  Cela a inspiré beaucoup de monde de devenir précieux. Alors, ces différences se révélaient en dehors de salons, « C’est vers 1650, en effet, que les salons se multiplient et qu’apparait la préciosité proprement dite » (Lagarde et Michard 58). Alors si l’esprit était très important d’en avoir et même de paraître en avoir, était-il toujours vrai qu’on en avait ? Qu’est ce qui se passait aux personnes qui se mettaient en quatre pour apparaitre d’en avoir ?

Cependant, le mouvement s’est développé dans les autres parties de France et il a aussi pris d’autres images. Malgré les choses positives que la préciosité a amenées pour les Français au 17e siècle, le mouvement commence à avoir une mauvaise réputation à cause de l’exagération excessive de ses valeurs. Par exemple dans la pièce de Molière Les Précieuses ridicules, la pièce commence avec la conversation entre La Grange et du Croisy que les deux femmes, Magdelon et Cathos, ont repoussés par ce qu’il leur manque beaucoup d’étapes qui sont décrites sur La Carte de Tendre.

Magdelon : Après cela viennent les aventures, les rivaux … les persécutions des pères, les jalouses conçues sur de fausses apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui s’ensuit. (Scène 4, p.20)

Magdelon décrit ce qu’il faut pour un homme de conquérir son cœur. La Grange et Du Croisy  ne leur avaient pas faits de compliments, ils manquaient de raffinement, et ils avaient de la négligence. Le chemin n’est pas toujours traversé et certains précieuses n’accepteraient jamais les hommes qui ne suivaient pas ce chemin pas à pas.

D’autant plus, l’exagération de la préciosité engendre la division entre les “vraies” précieuses et les personnes qui sont vues comme les précieuses mais ne le sont pas. Les femmes apprenaient des mots élégants qui se distinguaient d’autres personnes et alors elle se croyaient plus raffinées. Molière se moque de ce genre de préciosité dans sa pièce Les Précieuses ridicules. Il fallait des discours distincts, la poésie, l’esprit de sentiment, l’amour précieux pour conquérir les cœurs de ces deux femmes. Les deux nobles ont décidé de leur jouer une pièce où ils ont envoyé leurs servants pour séduire les filles et faire semblant d’être des marquis. Mascarille, le valet de La Grange, chantait les louanges, faisait la fausse poésie et n’utilisait même pas les mots précieux. Il ne comptait que de faire semblant d’être du « bel esprit » afin de plaire à ces deux précieuses. Les deux femmes contemplaient tout ce que les deux personnages du théâtre jouaient, et elles voulaient flirter avec Mascarille parce qu’il les a trompées en leur montrant ce qu’elles voulaient voir. Enfin, elles ont découvert que c’était tout un sketch.  Elles étaient honteuses de voir les deux sans vêtements, mal traités et insultés par les hommes qu’elles ont rejetés. Elles rêvaient d’un amour raffiné comme celui qui existait dans les livres qu’elles avaient lus. Molière s’est moqué de la littérature que les précieuses ont lue et qui les a tellement influencées.

Les vraies précieux étaient capable de remarquer le « bel esprit » tandis que les précieuses ridicules se noyaient dans les idées d’être une précieuse mais sans bien comprendre ce que cela voulait dire. « L’être et le paraître » est un concept bien vu avec la préciosité. Utilisons l’exemple de Magdelon et Cathos, jeunes filles de la province qui rêvent d’aller à Paris un jour pour pratiquer la préciosité, qui se croyaient plus intelligentes (même si Cathos est très sotte) jusqu’à ce qu’elles confondent la réalité avec la fiction. Elles confondent « l’être » et « l’apparaitre ».

Mascarille : Allons camarades, allons chercher fortune autre part, je vois bien ici qu’on n’aime que la vaine apparence, et qu’on y considère point la vertu nue. (Scène 11).

Mascarille qui était nu, était rejeté par les deux femmes pour ce qu’il est vraiment (les deux femmes veulent un homme qui est un vrai marquis et précieux). Par contre, elles essayent d’être des précieuses même si la préciosité est au contraire de leur nature. Ici, Molière se montre comment l’excès de la préciosité a maudit les comportements et les aspects psychologiques des personnes.

En conclusion, la préciosité a marqué le début de la participation des femmes dans l’aspect littéraire en France.  Ce mouvement a encouragé la littérature, redésigné la place des femmes dans la société française, et encouragé la réflexion sur l’amour. Comme j’essaie de le montrer dans mon essai, Molière n’avait pas l’intention de se moquer de la femme ou la réussite de la préciosité, mais il voulait montrer que le mouvement a pris une autre tournure à cause de l’exagération excessive qui s’est développée dans les années 1750 un peu après la naissance de la préciosité.  Ses valeurs ont été dérivées et quelques personnes ont commencé à pratiquer la fausse préciosité en rendant la littérature et l’amour plus compliqués.

Bibliographie

• Moliere. Les Precieuses Ridicules. Book On Demand Ltd, 2014.
• Poncet, Hélène. “La Préciosité.” Lettres Et Arts, www.lettres-et-arts.net/histoire-litteraire-17-18eme/preciosite 135.
• Hoffmann, E. T. A. Mademoiselle De Scudéry. Gowans & Gray, 1908.
• Paul, Courteault. “Courteault Paul.” Annales Du Midi, Privat, 17 Sept. 2018, www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1948_num_61_1_5646_t1_0113_0000_4.
• Lagarde, Andre, and Laurent Michard. XVIIe Siecle: Les Grands Auteurs Francais Du Programme. 4. 1957.