9 Zola et un Paris fragmenté

 Elizabeth Templeman

Émile François Zola

Émile Zola est né le 2 avril 1840 à Paris et a grandi à Aix-en-Provence. Son père est mort en 1847, laissant sa mère et lui pauvres. Zola est allé à l’école avec le peintre impressionniste, Paul Cézanne, et les deux avaient une amitié qui durerait jusqu’à l’âge adulte. Il a échoué son examen du baccalauréat deux fois, et il n’a donc pas pu poursuivre ses études. Par conséquent, il a cherché du travail. Il a vécu dans la pauvreté jusqu’à ce qu’il ait trouvé un emploi de commis dans une maison d’édition. Au même moment, il a commencé à soumettre des articles à des journaux et à écrire des fictions. Il a publié son premier roman, La Confession de Claude en 1865. Le roman était controversé en raison de sa vulgarité. Cela lui a valu une réputation auprès du public et de la police. Le style d’écriture de Zola a été un succès et il est rapidement devenu l’écrivain le plus populaire en France. Zola est surtout connu pour sa série massive de 20 romans intitulée Les Rougon Macquart. Le premier livre de la série a été publié en 1870 et il a continué à produire un roman presque chaque année jusqu’à son achèvement en 1893. Cette série suit une famille, chaque roman étant centré sur un membre différent de la famille. La série était sous-titrée L’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. C’est peut-être le fait que Zola a grandi dans la pauvreté et au sein de l’urbanisation parisienne qui l’a inspiré à écrire des histoires réalistes sur la vie de ce temps-là. Son intérêt pour la psychologie de la vie dans une société en mutation rapide nous donne un aperçu de la vie aliénée des familles de la classe inférieure.

Au XIXe siècle, beaucoup de réinvention a eu lieu à Paris, et dans une variété de sphères: politique, littérature, normes sociales et relations de classe. Heureusement, beaucoup d’écrivains nous ont permis de comprendre la vie parisienne au XIXe siècle. Zola était l’un de ces auteurs prolifiques. En 1883, il a publié Au Bonheur des Dames, une partie de la série Les Rougon Macquart. Ce roman raconte spécifiquement le phénomène de la culture de grands magasins au milieu du dix-neuvième siècle. Pendant ce siècle, la créativité et l’individualité ont été sacrifiées pour le progrès des nouvelles technologies et les méthodes avancées. Dans Au Bonheur des Dames, Zola décrit les transformations socio-économiques qui se sont déroulées à Paris à cette époque et raconte l’ascension du grand magasin moderne à Paris à la fin du XIXe siècle, et comment cela représente une société fractionnée et inégale qui est contrôlée par les grands magasins et le consumérisme.

Le Boulevard de Paris le jour de l’an 1862. Beaucoup de grands magasins.

Ce que ces artistes tentent de nous communiquer à travers leur littérature, c’est comment la vie à Paris a été complètement déséquilibrée à la suite de la Révolution française. Alors, dans un espace où la révolution se produit, il est naturel que les humains se posent des questions sur leur environnement. Des questions de société et de politique ont été soulevées, tout comme des questions d’observation scientifique. Ainsi, la vulgarisation de la science a éclaté dans tout Paris, « De grandes hypothèses comme l’évolutionnisme et le transformisme ont bouleversé les idées traditionnelles sur les espèces animales et sur l’homme lui-même » (9). Ceci est devenu la base des œuvres littéraires d’Émile Zola, car il a été dit qu’il « … imite la méthode du biologiste Claude Bernard » (9). Dans sa littérature, il utilise l’observation scientifique pour étudier l’influence des environnements sur les personnalités de ses personnages et la manière dont cela affecte leurs trajectoires de vie. C’est la base du mouvement naturaliste qui rejette le romantisme traditionnel et accueille l’objectivisme scientifique et le commentaire social. Zola fait ceci à travers la vie et les perspectives de ses personnages, analysant les conditions sociales qui ont façonné l’expérience parisienne à cette époque. Dans l’extrait suivant d’Au Bonheur des Dames, Zola décrit les rues de Paris à travers les yeux de Denise, une expérience extraordinaire.

« Les commis débouchaient vivement…La plupart filaient seuls et s’engouffrait au fond du magasin, sans adresser ni une parole ni même un regard à leurs collègues, qui allongeaient le pas autour d’eux ; d’autres allaient par deux ou par trois, parlant vite, tenant la largeur du trottoir; et tous, du même geste, avant d’entrer, jetaient dans le ruisseau leur cigarette ou leur cigare. » (Zola 59).

Cet extrait est très révélateur, car les Parisiens ne sont pas conscients de leur environnement, ne discutent pas, marchent vite et se concentrent seulement sur leur travail et leur productivité. Ils sont complètement déconnectés de la vie, parce que leur vie est devenue leur métier. Il faut parler vite et prendre de la place, à l’image de la croissance rapide de l’industrialisation et de sa consommation parisienne. Dans ce passage, on voit comment les gens s’aliènent les uns des autres et la société se fractionne par les développements capitalistes.

Dans ce mouvement de naturalisme, Zola essaie de montrer la réalité historique et sociale de la manière la plus réaliste possible. Son personnage principal, Denise Baudu, a une vingt ans. C’est une jeune orpheline qui vient à Paris avec ses petits frères,

Zola a basé le magasin Au bonheur des dames dans un grand magasin parisien appelé Le bon marché. Il a été fondé en 1838, mais il a été complètement réaménagé par Aristide Boucicaut en 1852 en un grand magasin. Avec de nouvelles innovations telles que des prix fixes, des marges bénéficiaires réduites, la livraison à domicile, des échanges, des ventes saisonnières et même une salle de lecture pour les maris en attente.

Jean et Pépé, dans l’espoir de travailler pour son oncle Baudu dans son petit magasin de lin et de flanelles, Au Vieil Elbeuf. La jeune femme espère que son oncle pourra l’embaucher pour qu’elle gagne sa vie. Mais les affaires vont mal parce qu’un grand magasin moderne, Au Bonheur des Dames, monopolise la clientèle des petites entreprises environnantes en vendant tout à bas prix. Elle décide finalement de devenir commis au grand magasin et d’apprendre le monde intérieur du grand monde commercial à Paris. Au début du livre, nous arrivons avec elle dans l’inconnu …

« Denise était venue à pied de la gare Saint-Lazare, où un train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe. Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrêta net de surprise. Oh! dit-elle, regarde un peu, Jean! » (Zola 29).

Zola utilise Denise comme véhicule pour nous permettre de faire l’expérience de cet environnement. En raison de la forte croissance de l’industrialisation et de l’urbanisation à Paris au cours de cette période, il y avait tellement de choses nouvelles et incertaines. Dès que Denise arrive à Paris, elle est fascinée par les grandes rues et les grands magasins. Ce n’était rien comme tout ce qu’elle avait vu. Cette curiosité la motive de travailler au Bonheur des Dames. « Il y avait, dans son désir d’y pénétrer, une peur vague qui achevait de la séduire » (Zola 44). En découvrant la suite du chapitre, l’auteur nous met sous la peau de Denise Baudu et nous découvrons avec elle les étalages, les vitrines. Zola utilise un immense vocabulaire pour décrire la grandeur du magasin et les objets à l’intérieur de celui-ci comme des articles de fourrure, de draperie. Zola décrit l’empressement des clientes dans les rayons à travers de différentes citations comme : « Les jupons blancs de toutes les longueurs, le jupon qui bride les genoux et le jupon à traîne dont la balayeuse couvre le sol, une mer montante de jupons, dans laquelle les jambes se noyaient » (Zola 38). Il y a beaucoup de descriptions détaillées, et on peut voir à quel point c’est très pénible pour Denise, tous ces objets et ces personnes aliénées un peu partout. Il n’y a pas de sens d’unité.

En plus de Denise, Zola utilise d’autres personnages pour représenter les différentes perspectives et attitudes face aux grands changements. Son oncle Baudu est un personnage plutôt sensible aux changements, et l’arrivée du grand magasin le mettra encore plus en colère. L’oncle Baudu est mécontent de l’arrivée du grand magasin car c’est ce commerce qui le mènera à sa perte. Son magasin est la façon dont il fournit à sa famille, et sans cela, ils n’auront ni nourriture ni abri. Il décrit ces rénovations comme monstrueuses, dévorant et consumant toute la ville. Comme dit le narrateur, « Baudu criait plus fort, en accusant ce déballage d’en face, ces sauvages, qui se massacraient entre eux avec leur lutte pour la vie, d’en arriver là détruire la famille. Et il citait leurs voisins de campagne…L’homme, la mère, le père, le fils, tous les trois employés dans la baraque, des gens sans intérieur, toujours dehors, ne mangeant chez eux que le dimanche, une vie d’hôtel et de table d’hôte enfin’! » (Zola 52). C’était la réaction de la plupart des Parisiens traditionnels: ces changements étaient surprenants et causaient beaucoup d’inconfort. Surtout avec les propriétaires d’entreprise comme l’oncle Baudu, ils ne pouvaient pas concurrencer la production de masse et les centres commerciaux. Zola utilise beaucoup d’images violentes, décrivant l’industrialisation comme un monstre, pour souligner l’horreur que l’oncle a connue.

Au Bonheur des dames est le prélude à l’une des transformations les plus courantes de cette société, le

Karl Marx, un philosophe et homme politique allemand. Il était un critique fameuse du capitalisme.

développement de la consommation de masse. Pendant ce temps, la consommation n’est plus une question d’obtenir l’essentiel, mais plutôt un produit de luxe. De plus, les gens commencent à ressembler aux objets qu’ils veulent acheter. Pendant l’un des grands jours de vente, il n’y a pas de clients individuels, il n’y a qu’une mer des objets «A la ganterie et aux lainages, une masse épaisse de chapeaux et de chignons barrait les lointains du magasin. On ne voyait meme plus les toilettes, les coiffures seules surnageaient, bariolées de plumes et de rubans…» (Zola 62). Les travaux de Karl Marx, philosophe et critique du capitalisme, nous disent que le capitalisme peut être aliénant pour les travailleurs et les consommateurs. Lorsque les marchandises commencent à dicter la vie et le destin des personnes, elles deviennent elles-mêmes des objets, incapables de prendre leurs propres décisions et donc une partie d’une société sans unité.

Un peintre par l’artiste parisien, Robert Delaunay. Il montre le fragmentation qui s’est passé pendent l’urbanisation dans le 19e siècle.(1910)

À travers l’évolution de la famille de Rougon-Macquart, nous découvrons les différents quartiers de Paris où la population plus ou moins riche évolue au rythme des transformations de la ville. Dans Au Bonheur des Dames il montre avec une grande précision les causes principales de la destruction du vieux Paris et le développement des grands magasins. Le roman décrit la marchandise, les techniques de gestion, le marketing et le consumérisme. Zola les représente comme un symbole de la nouvelle technologie qui améliorait mais aussi dévorait la société, et il utilise les perspectives de ses personnages pour capturer l’expérience humaine pendant ce siècle. Le magasin est un symbole du capitalisme, de la ville moderne et de la famille bourgeoise. Il est emblématique des changements dans la culture de consommation et des changements dans les relations de classe. L’image de Paris que Zola présente aux Rougon-Macquart est fractionnée. Il peint la vie de deux familles pendant la deuxième république; un environnement en reconstruction, donc présenté en morceaux. Divisé en vingt romans, le thème de la séparation est primordial. Au Bonheur de Dames montre en particulier l’augmentation du capitalisme et de l’industrialisation et comment ils ont créé une division de classes et une aliénation individuelle; les gens étaient traités comme des objets et des produits qu’ils consomment rapidement. Il est difficile de lire tous les Rougon-Macquart, car il est difficile de voir toute la situation quand elle est brisée en morceaux.

Key Takeaways

  • Naturalism – A movement in literature which rejects traditional romanticism and welcomes scientific objectivism and social commentary. It is an extension of the realism movement, but based more in scientific determinism, in which the plot is made up of controlled experiments in which the characters function as the phenomena.
  • Alienation – An estrangement that occurs in societies with class division, which for many countries is a consequence of capitalism. Marx’s theory of alienation tells us how mass production and industrialization can cause workers to feel alienated from their work, the object they’re producing, other people, and society as a whole. The rise of mass production in Paris during the 19th century caused people to feel estranged from one another, as the commodity became the center of their universe.

 

Bibliographie

Britannica, The Editors of Encyclopaedia. “Naturalism.” Encyclopædia Britannica, Encyclopædia Britannica, Inc., 18 Feb. 2014, www.britannica.com/topic/naturalism-art.

Hennessy, Susie. “Consumption and Desire in ‘Au Bonheur Des Dames.’” The French Review, vol. 81, no. 4, 2008, pp. 696–706. JSTOR, www.jstor.org/stable/25481248.

Zola, Emile, Mitterand, Henri and Gaillard, Jeanne Au Bonheur des dames. Gallimard, [Paris], 1980.

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